Lundi 22 Juillet 2019

Attractivité des métiers bancaires : rémunération et formation au coeur du débat

La clé du succès réside dans la capacité à s’entourer des meilleurs talents.  Les rémunérations élevées dans le secteur bancaire et financier constituent certes un atout, mais ne suffisent pas à attirer et à fidéliser les collaboratrices et les collaborateurs. La formation continue, garante de l’employabilité, constitue un facteur de réussite indispensable.

La politique de rémunération dans le monde bancaire et financier reste source de nombreux phantasmes. Le présent article n’a pas pour prétention de tordre le cou à tous les préjugés en la matière, mais entend apporter un éclairage sur certains aspects de ce vaste domaine, en se fondant notamment sur des données récentes émanant de l’enquête sur les salaires 2019 réalisée par l’Association suisse des employés de banque (ASEB).

En premier lieu, tout en restant confortables, les rémunérations dans l’industrie bancaire n’atteignent pas les sommets stratosphériques imaginés par certains. Par rapport à 2017, la rémunération totale en Suisse, qui comprend à la fois le salaire fixe et la partie variable, a progressé en moyenne de CHF 3'250.-, passant de CHF 111'750.- en 2017 à CHF 115'000.- en 2019. Dans le détail, le salaire fixe médian a enregistré une augmentation significative de 2,9% durant cette période. Il est réjouissant de constater que cette tendance positive touche toutes les catégories salariales. En conséquence, la part des salaires modestes diminue.

Sur la question spécifique de la parité salariale qui a focalisé l’attention récemment, l’enquête de l’ASEB ne permet pas de démontrer scientifiquement les discriminations. Cependant, la différence de traitement entre les sexes ne doit pas être minimisée et il appartient à chaque établissement de tout mettre en œuvre pour atteindre la parité. Il est toutefois encourageant de constater que le monde de la banque tend à se féminiser. En effet, la part des femmes entre 25 et 34 ans dans le secteur bancaire atteint un taux de 30%, largement supérieur à la moyenne nationale suisse qui dépasse à peine 20%. Il en va de même pour la tranche d’âge 35-44 ans.


La rémunération ne suffit pas à attirer les talents…ni à les conserver

Seuls 35% des Suissesses et des Suisses placent leur salaire en première position parmi les arguments générateurs de motivation. Dans son enquête sur les salaires 2019, l’ASEB souligne que, globalement, 60% des personnes interrogées s’estiment satisfaits du salaire fixe et du bonus perçus. En revanche, le niveau d’insatisfaction au travail continue d’être préoccupant en raison d’un environnement de plus en plus exigeant. Par conséquent, si la rémunération constitue un élément important, elle ne garantit pas le bien-être au travail.

Les acteurs de la place financière genevoise disposent de nombreux atouts pour attirer et fidéliser les talents, en particulier une diversité unique dans le choix des métiers et des possibilités de carrière variées, en Suisse et à l’étranger.


La formation continue représente la nouvelle sécurité de l’emploi

Selon l’enquête suisse sur la population active (ESPA) réalisée en 2018, 41% du personnel bancaire en Suisse possèdent un diplôme universitaire. 29% ont suivi la formation professionnelle de base et 15% sont titulaires d’un diplôme de formation professionnelle supérieure. Aujourd’hui, une formation initiale ne fournit pas la garantie d’un emploi à vie, mais constitue le socle d’un développement permanent. La formation continue est devenue indispensable.

Les défis liés à l’émergence des nouvelles technologies rendent encore plus criants les besoins en formation. Le passage au digital offre aux banques et à leurs équipes des opportunités extraordinaires. Il est intéressant de constater que les Suissesses et les Suisses se montrent à la fois optimistes mais aussi conscients des risques liés à cette évolution.

Le sondage sur l’image des banques, que l’Association suisse des banquiers réalise depuis de nombreuses années, relève que 56% des personnes interrogées sont persuadées que les banques compteront parmi les gagnants de la numérisation. Pourtant, près de 80% identifient un risque majeur, celui des pertes d’emplois consécutives à l’automatisation.


Les robots ne remplaceront pas l’humain

De nombreuses craintes existent en effet de voir passer l’individu au second plan, supplanté par les moyens technologiques qui bouleversent le marché du travail. En réalité, les collaboratrices et les collaborateurs joueront un rôle crucial : les changements technologiques ne pourront aboutir sans leurs compétences. C’est pourquoi, les banques investissent dans le développement de leur capital humain.

En guise d’exemple, le programme de certification Skills 4.0, codéveloppé par Employeurs Banques, prépare les employées et les employés au monde du travail numérique afin de déployer pleinement leur potentiel. Il s’adresse aux personnes qui se situent dans leur deuxième moitié de vie professionnelle. Cette formation continue répond aussi au défi démographique. 1,1 million de « baby-boomers » atteindront l’âge de la retraite au cours des dix prochaines années, alors qu’environ 500'000 jeunes seulement entreront dans la vie active. De fait, la demande de collaboratrices et des collaborateurs plus âgés (50 ans et plus) augmentera.

La place financière genevoise représente un secteur d’activité essentiel pour le marché du travail et pour l’économie genevoise puisque qu’elle génère plus de 35'000 emplois et contribue à hauteur de 12% du PIB cantonal. Derrière ces chiffres se trouvent des collaboratrices et des collaborateurs qui ont accumulé un savoir-faire exceptionnel. Ces compétences ne doivent pas seulement être nourries par le biais d’une rémunération attractive. Elles doivent surtout être cultivées grâce à une mise à jour permanente. La compétitivité, l’innovation et la capacité d’adaptation des établissements de la Place genevoise en dépendent.

Opinion publiée dans "Le Temps" - 22 juillet 2019

Yves Mirabaud Président de la Fondation Genève Place Financière