Le Parlement fédéral nouvellement élu aura un rôle central à jouer pour renforcer l’attractivité économique de la Suisse. La réforme fiscale menée actuellement par l’OCDE représentera un paramètre essentiel à surveiller de près. La mise en place d’une imposition incitative dans le domaine de la finance durable constituera une opportunité pour maintenir notre pays à la pointe de l’innovation.
La fiscalité figurera au menu du Parlement fédéral fraichement élu qui a entamé sa session d’hiver le 2 décembre.
En regardant dans le rétroviseur, il pourra contempler le travail accompli lors de la législature précédente. Les Chambres fédérales ont en effet adopté deux réformes majeures qui ont permis à la Suisse de se conformer aux standards internationaux. Il s’agit d’une part de l’introduction de l’échange automatique de renseignements (EAR) et, d’autre part, de la Réforme de l’imposition des entreprises (plus communément RFFA).
Observer les travaux de l’OCDE
En ce qui concerne l’avenir, les Chambres fédérales pourront jouer un rôle d’observateur critique. Ce regard non complaisant portera notamment sur les travaux menés à l’OCDE où le débat fait actuellement rage au sujet d’un nouveau modèle d’imposition, concernant en particulier, mais pas seulement, la taxation des services numériques.
En mai 2019, l’OCDE a adopté une feuille de route fondée sur deux piliers pour résoudre les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie :
Le premier pilier explore des solutions possibles pour déterminer où l’impôt devrait être payé et sur quelle base. Il en ressort une volonté des grands Etats d’imposer les prestations au lieu où se situent les clients ou utilisateurs et non pas là où la valeur est créée.
Le deuxième pilier s’intéresse à la conception d’un système visant à s’assurer que les entreprises multinationales - dans l’économie numérique et au-delà – paient un niveau minimum d’impôt.
Même si d’innombrables problèmes pratiques se posent, l’OCDE veut avancer rapidement et vise un accord sur les grands principes de cette véritable révolution pour le début de l’année 2020.
La Suisse devra participer activement à la définition des nouveaux standards, afin de réduire au maximum l’impact sur ses recettes fiscales. Les conséquences négatives pour les caisses fédérales ont été estimées provisoirement entre CHF 1 et 5 milliards.
En fonction du régime fiscal qui sortira du chapeau de l’OCDE, la marge de manœuvre du nouveau Parlement fédéral risque d’être fortement écornée, faute de ressources.
Réformer l’impôt anticipé et le droit de timbre
Le Parlement ne sera évidemment pas cantonné dans un rôle d’observateur passif. Il sera amené avant tout à agir afin d’assurer la prospérité économique de notre pays et de sa population.
La finance durable compte parmi les secteurs de croissance les plus prometteurs. En juin 2019, Swiss Sustainable Finance (SSF) a publié ses statistiques : avec une croissance de 83% en 2018, les capitaux investis selon une approche d’investissement durable ont augmenté à un rythme record pour s’établir à plus de CHF 716 milliards en Suisse. Les investisseurs institutionnels représentent 88% de ce marché.
Dans sa précédente composition, le Parlement fédéral ne s’y est pas trompé puisqu’il a adopté un Postulat demandant au Conseil fédéral d'examiner des moyens d'alléger fiscalement l'émission et le commerce de produits financiers durables (par ex. des obligations, des actions, etc.). A cet effet, le Gouvernement peut envisager de supprimer les droits de timbre sur les produits durables. En outre, il peut proposer de mettre en place des conditions attrayantes pour le marché des capitaux dans le cadre du projet de réforme de l'impôt anticipé.
Une fois qu’il aura été nanti d’un rapport du Conseil fédéral, le nouveau Parlement pourra concrétiser cette intention et réformer le droit de timbre et l’impôt anticipé qui constituent des handicaps majeurs pour l’émission dans notre pays de « Green Bonds » (obligations vertes).
Innover dans la fiscalité verte
La commission de l’environnement du Conseil national n’est pas parvenue à achever ses travaux sur la future taxe CO2 avant la fin de la législature et le débat a été renvoyé au mois de janvier 2020. Le nouveau Parlement traitera le sujet vraisemblablement au printemps prochain.
Le propos n’est pas ici de se prononcer sur le bien-fondé, l’assiette ou le taux d’une telle ponction. Il s’agit plutôt de s’intéresser à son utilisation, si elle venait à être instaurée.
Au lieu de faire tomber cette possible manne dans l’escarcelle de la Confédération pour ses dépenses courantes, il serait bien plus judicieux de prévoir son affectation à un fonds géré par des spécialistes de l’asset management suisses selon les principes du partenariat public-privé, destiné par exemple à favoriser la transition énergétique.
Le Parlement pourrait donner une impulsion déterminante dans cette direction innovante.
En conclusion, les Chambres fédérales auront du pain sur la planche en matière de fiscalité dans les années à venir. Dans leur manière d’appréhender les prochains dossiers fiscaux, les Parlementaires devront garder à l’esprit le fait que la prospérité enviable de notre pays dépend largement de l’exportation de biens et de services. Il faudra donc éviter de concocter des lois fiscales qui mettraient la Suisse en porte-à-faux avec les principes appliqués au plan mondial.
Par exemple, l’introduction d’une micro-taxe sur les transactions financières, sorte d’avatar de la tristement célèbre « Taxe Tobin », n’a pas sa place dans le paysage fiscal suisse. Ses promoteurs mettent en avant le fait qu’elle serait appelée à remplacer la TVA, l’Impôt fédéral direct et le droit de timbre. Elle aurait surtout pour effet d’empêcher le développement du marché des capitaux en Suisse, alors même que le Conseil fédéral cherche précisément à l’attirer dans notre pays.
Dans ses travaux, le nouveau Parlement devra donc observer, réformer, innover, mais surtout éviter de marquer des autogoals !