La Fondation Genève Place Financière (FGPF) prend position dans le cadre des deux procédures de consultation ouvertes en janvier 2015 au sujet de l’échange international de renseignements en matière fiscale.
La FGPF constate que la mise en consultation du MCAA et de la LEAR constitue la suite logique des engagements pris par le Conseil fédéral en mai 2014. A cette époque, le Gouvernement suisse a déclaré vouloir adopter le standard élaboré à l’OCDE en vue d’instaurer un échange automatique d’informations fiscales. La Suisse a d’ailleurs pris une part active dans la définition de ces règles, en insistant notamment pour y intégrer les principes de spécialité, de confidentialité et de réciprocité.
En octobre 2014, notre gouvernement a signé l’accord multilatéral entre autorités compétentes concernant l’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers (Multilateral Competent Authority Agreement, MCAA). Ce texte prévoit la mise en œuvre des standards fixés sous l’égide de l’OCDE.
Dans la mesure où ce traité n’est pas directement exécutable, une loi fédérale doit être adoptée en Suisse pour en définir les modalités d’application. Il s’agit en l’occurrence de la LEAR.
Au vu de de ce qui précède, la FGPF approuve cette démarche qui permettra à la Suisse d’intégrer dans sa législation les standards internationaux reconnus.
Il est prévu que les intermédiaires financiers helvétiques commencent à récolter en 2017 des données concernant leur clientèle résidant à l’étranger en vue d’un échange de renseignements à compter de 2018. Le calendrier dépendra évidemment du rythme auquel avanceront les travaux du Parlement fédéral, qui sera impliqué dans toutes les étapes du processus, ainsi que d’un éventuel référendum.
Aux yeux de la FGPF, un des éléments cruciaux sera bien entendu l’établissement de la liste des Etats avec lesquels la Suisse conclura des accords bilatéraux en vue d’appliquer cet échange automatique. A cet égard, le Conseil fédéral prévoit de négocier en priorité avec les membres de l’UE et les Etats-Unis, ce qui peut se comprendre.
Avec l’UE, la Suisse a paraphé un accord le 19 mars 2015 visant à introduire l’échange automatique de renseignements en matière fiscale, destiné à se substituer à l’Accord sur la fiscalité de l’épargne.
En revanche, il conviendra de se montrer sélectif quant au choix des autres pays concernés.
Il faudra notamment se montrer attentif au respect par ces partenaires potentiels des principes fondamentaux de l’Etat de droit et des droits de l’Homme.
Le respect des principes de la confidentialité et de la spécialité devront également constituer une priorité. Il faudra s’assurer, dans l’application concrète des accords, que les données récoltées ne seront utilisées qu’à des fins fiscales.
De même, le principe de la réciprocité devra être strictement appliqué.
De plus, il paraît judicieux d’accorder la préférence à des pays qui entretiennent d’étroites relations économiques et politiques avec la Suisse, mettant à dispositions suffisamment de possibilité de régularisation du passé pour leurs contribuables.
Mais surtout, l’amélioration de l’accès au marché doit être impérativement incluse dans les négociations sur l’échange automatique. A cet égard, la Suisse ne saurait se contenter de vagues déclarations d’intention. Des avancées concrètes doivent être expressément définies.
Enfin la Suisse devra observer attentivement les choix opérés par ses principales places financières concurrentes. En effet, en vertu du principe de l’égalité de traitement (« Level playing field »), notre pays ne doit pas se placer dans une situation concurrentielle défavorable en se lançant tête baissée dans la conclusion de tels accords bilatéraux sans se préoccuper des orientations stratégiques prises par nos concurrents.
En ce qui concerne les aspects plus juridiques de la LEAR, la FGPF se rallie à la prise de position de l’Association suisse des banquiers (ASB).
Nous tenons toutefois à relever que la prise en compte de la réalité du terrain constitue une condition sine qua non pour la réussite de la mise en place de l’échange automatique d’informations. La concrétisation de ce système va induire des adaptations techniques considérables et mobiliser d’importantes ressources tant humaines que financières durant plusieurs années. L’ASB estime que les coûts liés à cet exercice se situeront dans une fourchette allant de CHF 300 à 600 millions.
Dans ce contexte, il ne faut pas perdre de vue que la place financière suisse est actuellement confrontée à une vague réglementaire sans précédent. La capacité concurrentielle des banques helvétiques ne doit pas être péjorée par une introduction simultanée de l’échange automatique de renseignements avec un nombre trop important d’Etats.
Dans le même ordre d’idée, nos négociateurs devront veiller à ce que les différents accords bilatéraux répondent à un schéma identique. A défaut d’une telle homogénéité, les informations requises ne pourront pas être standardisées en interne, ce qui provoquera immanquablement un accroissement des coûts.
Le Conseil fédéral a inclus dans le paquet soumis à consultation en janvier 2015 la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe et de l’OCDE concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale.
Ce texte a été signé par la Confédération en octobre 2013. Il prévoit les trois formes possibles d’échange de renseignements : sur demande, spontané et automatique.
La FGPF constate avec satisfaction que le Gouvernement suisse entend assortir cette ratification de plusieurs réserves en lien, d’une part, avec la notification de documents émanant d’autorités étrangères et, d’autre part, avec le champ des infractions fiscales concernées.
Il est en outre précisé que deux déclarations supplémentaires devraient être déposées par la Confédération. La première stipulera que la Suisse informera en principe les personnes concernées avant tout échange de renseignements et la seconde précisera que notre pays ne donnera pas suite à la demande d’autorités étrangères de procéder à des contrôles fiscaux en Suisse.
La FGPF accueille d’un œil favorable la ratification de ce texte, pour autant que des réserves et des déclarations claires soient formulées dans le sens des considérants évoqués ci-dessus.
Une telle démarche se justifie dans la mesure où, à fin 2014, 84 Etats avaient déjà signé cette Convention et devraient la ratifier dans un proche avenir.
Toutefois, une ratification de cette Convention par la Suisse doit impérativement avoir pour corollaire l’abandon définitif du projet de Loi fédérale sur l’application unilatérale de l’échange de renseignements selon la norme de l’OCDE (LERN) qui deviendrait ainsi totalement superflue.