Monday 17 November 2025

Les 3 raisons de dire oui aux Bilatérales III

Les accords négociés entre la Suisse et l’UE assurent la stabilité de nos relations avec notre plus grand partenaire commercial. Ils constituent un prérequis à l’accès au marché européen et ouvrent la voie à la recherche et à l’innovation. 

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Il y a exactement 25 ans, le peuple suisse plébiscitait les Bilatérales I par 67,2% de oui. Les bases de la voie bilatérale entre la Suisse et l’Union européenne (UE) étaient posées. Aujourd’hui cette voie sur mesure connaît une nouvelle étape majeure avec le paraphe par le Conseil fédéral des accords négociés entre Berne et Bruxelles en 2024, plus connus sous le nom de Bilatérales III. 


Générant plus de 38'000 emplois à haute valeur ajoutée et contribuant à hauteur de 12,9% du PIB et de 23% aux recettes fiscales, le secteur financier joue un rôle de moteur économique à Genève. Le Conseil d’Etat genevois l’a d’ailleurs souligné dans sa Stratégie économique 2035 publiée fin août. 


Or, la Place genevoise est très orientée vers une clientèle internationale. D’une part, la Suisse occupe le premier rang mondial dans la gestion de fortune privée transfrontalière. D’autre part, les acteurs de la place financière genevoise soulignent l’importance de la clientèle européenne dans l’enquête conjoncturelle 2025-2026, dont les résultats ont été dévoilés le 16 octobre dernier. 


La procédure de consultation initiée par le Conseil fédéral afin de permettre aux parties prenantes d’exprimer leur position sur le contenu des Bilatérales III vient de s’achever. Il est donc opportun de comprendre pourquoi ces accords constituent une nécessité pour la place financière genevoise. 


Un gage de stabilité et de prévisibilité 

En cette période géopolitiquement agitée, l’instabilité représente un poison pour l’économie helvétique et pour sa Place financière en particulier. Dans ce contexte, les Bilatérales III contribuent à définir le cadre de nos relations avec notre principal partenaire commercial. Aujourd’hui plus que jamais, il est nécessaire de les renforcer. Ces nouveaux accords ne conduisent pas à une adhésion à l’UE, mais formalisent des relations économiques déjà profondément établies. 


Les opposants aux Bilatérales III sont d’avis que la Suisse se porterait mieux sans ce paquet d’accords qui, selon eux, la placerait dans un état de dépendance vis-à-vis de Bruxelles. Ils avancent l’argument qu’il suffirait à notre pays de développer de nouveaux marchés. 


L’introduction des tarifs douaniers par l’administration américaine illustre parfaitement le caractère périlleux et volatil d’une telle vision. Les conséquences néfastes du Brexit sur la croissance du Royaume-Uni démontrent également la fragilité et les risques de la voie solitaire basée sur un seul et maigre accord de libre-échange. Penser un seul instant que la Suisse pourrait se passer de ses clients européens est une vue de l’esprit dangereuse ! Tout Etat a la politique de sa géographie : pour la Suisse, les relations économiques avec les départements de Haute-Savoie et de l’Ain sont plus importantes que celles avec le Japon. Ce constat est encore plus vrai pour Genève !

 

Un prérequis à l’accès au marché européen

La Place financière n’a pas seulement besoin de stabilité, elle plaide aussi pour un meilleur accès au marché européen afin de pouvoir offrir ses services depuis la Suisse à sa clientèle européenne. Cette clientèle historique représente des actifs considérables estimés à plus de CHF 1'000 milliards. 


Il est de plus en plus difficile de fournir des prestations financières depuis notre pays. Cette situation amène les acteurs financiers helvétiques à devoir délocaliser leurs activités sur sol européen. Avec pour conséquence regrettable de voir partir des emplois, des compétences et des recettes fiscales hors de Suisse.


Malheureusement, les services financiers ne sont pas inclus dans le paquet d’accords négociés entre la Suisse et l’UE. En revanche, la question de l’accès au marché est abordée dans le dialogue réglementaire entamé entre Berne et Bruxelles depuis l’été 2024. Dans ce contexte, les banques ont élaboré une approche fondée sur une licence (ou « spécifique aux établissements ») selon le modèle en vigueur aux Etats-Unis avec la SEC. En substance, il est proposé que les établissements intéressés s’enregistrent auprès d’une autorité européenne afin d’obtenir un passeport leur permettant de fournir activement des services bancaires et d’investissement sur l’ensemble du territoire de l’UE.


Toutefois, les discussions sur cette solution ne pourront pas aller de l’avant en cas de refus des Bilatérales III par le peuple. 


Une clé pour attirer les talents

L’expertise et le savoir-faire des collaboratrices et collaborateurs restent les piliers du succès remarquable de la Place financière. Or, une formation et une recherche de pointe sont nécessaires afin de maintenir ce niveau d’excellence.


Sans acceptation des Bilatérales III, la participation de la Suisse au programme de recherche et de développement baptisé « Horizon Europe » sera compromise. La capacité d’innovation de notre pays serait alors mise en danger. De même, le programme d’échange universitaire Erasmus+ pourrait s’arrêter, empêchant la poursuite de ces échanges extrêmement bénéfiques pour nos étudiantes et nos étudiants.  


De plus, la libre circulation des personnes permet à des ressortissants européens de renforcer le vivier de compétences de la Place financière. Elle donne également l’opportunité aux collaboratrices et aux collaborateurs du secteur financier d’aller parfaire leurs connaissances du métier et d’engranger une expérience précieuse sur sol européen. Le retour à un système de contingents serait un désastre. 


Au final, la décision reviendra à la population. Or, il ressort du premier sondage réalisé en septembre 2025 par gfs.bern sur les intentions de vote qu’une majorité de plus de 60% répond oui aux Bilatérales III. Cette enquête montre aussi que la majeure partie des citoyennes et des citoyens suisses souhaite des relations stables avec l’UE, un partenaire considéré comme essentiel pour notre prospérité. Ce point de vue majoritaire rejoint pleinement les préoccupations de la place financière genevoise ! 

Opinion publiée dans "Le Temps" - 17 novembre 2025

 

Denis Pittet Président de la Fondation Genève Place Financière