
Imposer les successions et les donations dépassant les 50 millions de francs afin de protéger le climat est un leurre. Pire, cela fragiliserait l’attractivité de la Suisse et les entreprises familiales. Heureusement, il existe une meilleure stratégie pour atteindre l’objectif « net zéro ».
Document only in French
Le 30 novembre prochain, le peuple suisse sera amené à se prononcer sur l’initiative « Pour une politique climatique sociale financée de manière juste fiscalement (initiative pour l’avenir) » lancée par la Jeunesse socialiste (JUSO).
D’une part, ce texte demande l’introduction d’un impôt fédéral au taux de 50% sur les successions et les donations supérieures à 50 millions de francs. D’autre part, il veut que le produit de ce nouvel impôt soit utilisé pour « lutter contre la crise climatique de manière socialement juste et pour permettre la transformation de l’ensemble de l’économie ».
Selon les calculs des initiants, cette ponction fiscale rapporterait environ 6 milliards de francs par an, « qui seraient utilisés par la Confédération et les cantons pour des mesures de protection du climat socialement équitables ».
Des perspectives de recettes illusoires
Dans son Message de décembre 2024, le Conseil fédéral a démontré le caractère fantaisiste de ces estimations de recettes, en se fondant sur l’analyse scientifique du Prof. Marius Brülhart de HEC Lausanne.
Le Prof. Brülhart relève que « les personnes fortunées et plus âgées réagissent aux grandes évolutions en matière d’imposition des successions. L’émigration fait partie des réactions attestées ». En clair, les personnes visées votent avec leur pied et quittent le territoire pour éviter de se faire tondre. D’après ses estimations, la Suisse pourrait ainsi perdre entre 77% et 93% du substrat fiscal potentiel. Les estimations de l’Administration fédérale des contributions (AFC), réalisées sur la base de l’avis du Prof. Brülhart et de données supplémentaires relevées dans les cantons, tablent même sur une fourchette de 85 à 98%. Par conséquent, l’impôt fédéral sur les successions et les donations ne rapporterait en réalité qu’environ 100 à 650 millions de francs.
Cet exil fiscal n’est pas une chimère. Deux Etats européens viennent d’en faire l’expérience. Tout d’abord, le Royaume-Uni a récemment supprimé son statut fiscal de « Resident non-domiciled » et augmenté la fiscalité sur les plus-values et les revenus du capital. La Norvège a sensiblement augmenté son taux d’imposition sur la fortune. Dans les deux cas, les mesures prises ont conduit à un exode des contribuables les plus importants.
En Suisse, en cas d’acceptation de l’initiative, le départ aussi inéluctable que massif des contribuables ciblés entrainerait des baisses de recettes dans les impôts récurrents actuels sur le revenu et la fortune, qui viendraient contrebalancer les modestes recettes générées par ce nouvel impôt prélevé ponctuellement. En fin de compte, le solde net pourrait s’avérer très négatif.
La véritable cible : les entreprises familiales et la création de valeur
Les chiffres précités démontrent que l’initiative « Pour l’avenir » ne générera en aucune manière les recettes escomptées et ne contribuera en rien à lutter contre la crise climatique. Le prétendu objectif écologique n’est donc qu’un prétexte qui masque des desseins moins avouables. Il s’agit par conséquent d’un cas avéré d’écoblanchiment (« Greenwashing »).
Le but réel de ce texte est avant tout de « faire passer les plus riches à la caisse », comme l’expriment les initiants eux-mêmes. En Suisse, les « riches » en question sont souvent des entrepreneuses et des entrepreneurs à la tête de sociétés familiales. Il faut rappeler ici que, dans notre pays, 99% des entreprises sont des PME et que 80% sont des entreprises familiales. De plus, près de la moitié de ces entreprises prévoient une succession de l’entreprise au sein de la famille. Or, un impôt de 50% sur les successions rendrait cette transmission intergénérationnelle impossible. Selon une étude de PriceWaterhouseCoopers (PWC) de 2024, 80% de ces entreprises n’ont pas les liquidités nécessaires pour financer un tel impôt et environ les deux tiers des personnes concernées seraient forcées de vendre tout ou partie de l’entreprise.
L’initiative « Pour l’avenir » mettrait ainsi en péril celui des entreprises dirigées par ses propriétaires sur plusieurs générations et ancrées dans le tissu local.
La Place financière fait partie de la solution
Le secteur bancaire et financier helvétique n’a pas attendu la dévastatrice et contre-productive initiative de la Jeunesse socialiste pour apporter sa contribution au développement durable.
Cette volonté se concrétise notamment à travers l’événement « Building Bridges » qui réunit à Genève toutes les parties prenantes à cet effort commun. La sixième édition se tiendra du 30 septembre au 2 octobre au Centre International de Conférences Genève (CICG).
Par ailleurs, l’Association Suisse des Banquiers (ASB) et le Boston Consulting Group (BCG) ont publié une étude qui estime à 387,2 milliards de francs le montant nécessaire pour financer la transition de la Suisse vers une économie sobre en carbone. Ces investissements permettront de mettre en œuvre, dans les dix secteurs économiques qui émettent le plus de gaz à effet de serre, les mesures de réduction des émissions indispensables pour atteindre l’objectif « net zéro » d’ici 2050. Cela représente environ 12,9 milliards de francs à investir chaque année.
Selon cette étude, les banques helvétiques seront en mesure de financer 83% de ces investissements, à travers des crédits hypothécaires et aux entreprises. La couverture du solde pourra être assurée par le marché suisse des capitaux, des fonds étatiques, des financements mixtes (« blended finance ») et des partenariats public-privé.
En conclusion, deux stratégies se font face : d’une part, celle véhiculée par l’initiative de la Jeunesse socialiste, fondée sur des hypothèses de recettes fiscales farfelues et néfastes pour la prospérité économique de la Suisse et, d’autre part, celle élaborée par la Place financière, dont le financement de projets constitue le cœur de métier, et qui s’appuie sur une évaluation sérieuse des besoins concrets.
Le 30 novembre, le peuple suisse pourra exprimer son rejet d’un futur tout sauf radieux proposé par l’initiative « Pour l’avenir » !