Monday 05 August 2024

Image des banques en Suisse : entre confiance et vigilance

Aussi indissociable de la Suisse que le chocolat et l’horlogerie, le secteur bancaire s’adapte continuellement pour relever les défis auxquels il est confronté. Les banques restent une force économique appréciée par l’opinion publique, qui salue leur solidité et la qualité du service.

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Depuis plus de 20 ans, l’Association suisse des banquiers (ASB) réalise par le biais d’un institut indépendant un sondage d’opinion bisannuel sur l’image des banques en Suisse. Son objectif est de prendre le pouls de la population et d’analyser la perception de cette dernière sur les établissements bancaires et sur leur rôle économique.


Alors que la Place financière a récemment traversé des turbulences, l’opinion que portent les Suisses sur ce secteur mérite une attention particulière. La crise de Credit Suisse a-t-elle laissé des traces ? Comment l’opinion publique juge-t-elle les mesures prises par le Conseil fédéral dans ce contexte ? Quelle est la perception des citoyens et des citoyennes sur la compétitivité de la place financière helvétique ? Cette enquête a le mérite de répondre à ces interrogations légitimes.

Une confiance renouvelée…

D’emblée un constat réjouissant s’impose : l’opinion reste relativement stable et positive. 60% des Suisses jugent favorablement le secteur bancaire. Il apparaît que la population helvétique est consciente de la contribution de cette branche à la prospérité et à la place économique suisse. Les banques conservent ainsi leur place, dans le top 3. Ce rôle central dans l’économie reste particulièrement vrai pour Genève où le secteur bancaire et financier représente plus de 13% du PIB et assure environ 38'000 emplois, soit 10% de l’ensemble des places de travail du canton.


Selon le sondage, la qualité du service à la clientèle distingue notre pays de ses concurrents étrangers. La stabilité politique et économique constitue également un atout qui permet au centre financier suisse de se positionner parmi les meilleurs sur la scène internationale. Les jeunes générations sont d’ailleurs celles qui se montrent les plus optimistes quant à l’avenir du secteur financier. A leurs yeux, les perspectives restent bonnes, notamment sur un facteur clé, celui de la durabilité.
Ce score encourageant ne constitue pas pour autant une raison de sombrer dans une autosatisfaction béate. Cette confiance ne se décrète pas, elle se mérite.

…mais pas acquise

Au cours des douze derniers mois, une majorité de citoyens et de citoyennes suisses déclarent avoir suivi les informations relatives aux banques, avec, sans surprise, une focalisation sur la crise de Credit Suisse. Si la démarche de la Confédération est largement acceptée, un tiers des Suisses se montre sceptique quant à la reprise du numéro 2 helvétique par UBS. Le risque que fait peser une nouvelle banque aussi grande sur la Suisse constitue une préoccupation majeure. En revanche, pour les trois quarts de la population, cette crise ne doit pas être utilisée pour réglementer davantage l'économie suisse dans son ensemble. Elle ne cède donc pas aux sirènes de la sur-réglementation.


La concrétisation du rapport du Conseil fédéral sur le dispositif « Too big to fail » représente une opportunité de respecter cette volonté populaire sur le terrain. Le 10 avril dernier, le Conseil fédéral a en effet proposé un train de mesures qui s’articule autour de trois axes.


Premièrement, il prévoit un renforcement de la prévention, en instaurant en particulier un régime de responsabilité des dirigeants et une réglementation des rémunérations variables. Par ailleurs, les banques d’importance systémique devront répondre à des exigences accrues quant à la qualité et la quantité de leurs fonds propres.


En second lieu, ces propositions étendront considérablement les possibilités d’approvisionnement en liquidité de la BNS. Il est de plus prévu d’inscrire dans le droit ordinaire un mécanisme public de garantie de liquidités, appelé « Public Liquidity Backstop » (PLB).


Troisièmement, en cas de crise, les banques d’importance systémique devront pouvoir sortir du marché de manière ordonnée. A cet égard, il faudra examiner la collaboration entre les autorités impliquées dans la planification d’une éventuelle liquidation et, au besoin, la réglementer plus clairement.

« Swiss finish » à proscrire

Dans le cadre de la mise en œuvre de ces mesures, il conviendra de respecter plusieurs principes essentiels. Un meilleur approvisionnement en liquidités par la BNS pour toutes les banques doit figurer en tête des priorités, de même que l’introduction d’un PLB pour les banques d’importance systémique. De même, le respect du principe de la proportionnalité devra systématiquement être respecté dans l’élaboration de toute nouvelle norme. Cela impose aussi une analyse coûts/bénéfices des dispositions légales envisagées. Enfin, le maintien de la compétitivité internationale de la place financière suisse devra constituer une préoccupation constante.


Sur cette base et en tenant compte des conclusions à venir de la Commission d’enquête parlementaire, il appartiendra au Conseil fédéral de modifier les Ordonnances qui relèvent de sa compétence. Dans un second temps, des modifications législatives seront soumises au Parlement fédéral. Il faut espérer que l’attitude pragmatique de la population suisse prévaudra également sous la Coupole fédérale. Il serait en effet contreproductif que le perfectionnisme helvétique conduise à l’instauration d’un carcan réglementaire étouffant.

Un sondage, reflet du bon sens helvétique

L’édition 2024 du sondage de l’ASB a permis de démontrer que les Suisses et les Suissesses font confiance à leur banque. Les personnes interrogées sont également au fait des défis réglementaires auxquels est confronté un secteur touché dans son cœur par la crise de Credit Suisse. Ils en perçoivent tant les opportunités que les dangers et plaident pour un juste équilibre entre gestion des risques et attractivité. C’est là toute la subtilité du compromis helvétique !

Opinion publiée dans "Le Temps" - 5 août 2024

Denis Pittet Président de la Fondation Genève Place Financière