2022 constituera une année cruciale pour la compétitivité fiscale de la Suisse. L’attractivité de notre pays pour la création d’entreprises et l’innovation dépendra de l’application de la taxation mondiale des multinationales, de la suppression du droit de timbre d’émission et de la réforme de l’impôt anticipé.
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En cette fin d’année 2021, l’actualité est occupée par la 5ème vague de la pandémie de Covid-19, qui frappe durement la population et les entreprises helvétiques. La résolution de cette crise demeure la priorité absolue.
Cette situation préoccupante ne doit toutefois pas occulter les dossiers fiscaux majeurs qui ont connu des développements décisifs cet automne. De la concrétisation de ces chantiers dépendra le positionnement de la Suisse sur la carte mondiale de la compétitivité fiscale.
OCDE : imposition des bénéfices des multinationales
Sur la base de sa feuille de route de mai 2019, l’OCDE a publié diverses propositions destinées à résoudre les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l’économie. Par la suite, le projet a été modifié afin d’englober les plus importantes sociétés multinationales au niveau mondial. Il se fonde sur deux piliers.
Le premier prévoit une répartition des droits d’imposer les bénéfices de multinationales implantées dans plusieurs pays. Les règles d’attribution des bénéfices seront ainsi modifiées en faveur des Etats où se trouvent les consommateurs de biens et de services. Ce volet vise les multinationales dont le chiffre d’affaires global dépasse les 20 milliards d’euros et dont le taux de profitabilité dépasse les 10%. Les secteurs de l’extraction (pétrole, gaz et mines) ainsi que les services financiers réglementés seront en principe exclus.
Le deuxième pilier vise à introduire un taux minimum d’imposition de 15%. Ces règles concernent les multinationales dont le chiffre d’affaires dépasse 750 millions d’euros.
D’un point de vue helvétique, cette réforme fait figure de véritable révolution ! A propos du deuxième pilier, il faut relever que 18 cantons pratiquent un taux d’imposition minimal inférieur à 15%, dont ceux de Genève et de Vaud. D’innombrables questions pratiques se posent. Qui devra augmenter le taux d’imposition si nécessaire ? Sera-ce de la compétence de la Confédération, des cantons, voire même des communes ? Que se passera-t-il, par exemple, si Genève augmente son taux et que Zoug ne le fait pas ? Reviendra-t-il à la Confédération de prélever un impôt fédéral subsidiaire si un canton ne s’aligne pas sur le taux de 15% ?
Face à cette marée d’interrogations, un point demeure crucial : la Suisse devra tout mettre en œuvre pour conserver sa compétitivité fiscale en comparaison internationale.
Suppression du droit de timbre d’émission : une absolue nécessité
Le Conseil fédéral et la majorité du Parlement ont pris conscience, d’une part, de l’enjeu posé par la réforme de l’OCDE en termes d’attractivité fiscale et, d’autre part, de l’impact de la pandémie sur les entreprises.
C’est pourquoi, avec l’appui du Gouvernement, les Chambres fédérales ont accepté l’abolition du droit de timbre d’émission sur les fonds propres.
Pour rappel, les fonds propres constituent la substance indispensable à toute entreprise. Ils financent les investissements, l’innovation et la création d’emplois. Or, le droit de timbre d’émission frappe au taux de 1% les moyens mis à disposition des entreprises par des particuliers. En période de pandémie, l’impact de cette ponction fiscale est délétère. En effet, les secteurs fortement touchés par la crise ont souvent épuisé leurs réserves. Ils ne peuvent pas recourir sans limite au crédit, sauf à risquer un surendettement et, au pire, la faillite. Les acteurs économiques doivent donc augmenter leurs fonds propres. C’est alors qu’ils sont frappés par le droit de timbre d’émission.
Contrairement aux idées reçues, le droit de timbre d’émission ne touche pas que les grosses capitalisations. Chaque année, au moins 2'000 entreprises sont concernées, dont plus de 80% de PME.
A cela s’ajoute que le droit de timbre d’émission s’avère toxique pour l’innovation. En effet, les start-ups dépendent largement d’un financement par le biais de fonds propres, puisqu’elles ne réalisent souvent qu’un chiffre d’affaires modeste durant leur phase de développement. Elles sont victimes du droit de timbre d’émission, avant même d’avoir pu réaliser le moindre franc de bénéfice.
Il est donc incompréhensible que le Parti socialiste ait lancé un référendum contre l’abolition du droit de timbre d’émission. Le peuple suisse sera amené à se prononcer à ce sujet le 13 février prochain. Il faut espérer qu’il confirmera le choix du Conseil fédéral et du Parlement.
Réforme de l’impôt anticipé : une autre priorité
L’histoire s’est accélérée à l’automne 2021 grâce au vote par le Parlement fédéral d’une réforme de l’impôt anticipé, qui constitue un obstacle majeur au développement du marché des capitaux en Suisse. A cause de cette ponction fiscale, seule une obligation d’entreprise sur cinq est émise dans notre pays, car les investisseurs internationaux préfèrent les titres émis à l’étranger, où un tel impôt à la source n’existe pas. Le volume des obligations émises en Suisse représente moins de 10% de son PIB, contre 2’270% au Luxembourg ! Les Chambres fédérales ont donc en particulier décidé de supprimer l’impôt anticipé sur les revenus des obligations émises après l’entrée en vigueur de la loi. Cette mesure permettra non seulement de rapatrier en Suisse des activités déployées aujourd’hui à l’étranger, mais aussi de stimuler l’émission en Suisse d’obligations vertes (« Green bonds »), instruments financiers permettant d’accélérer la transition vers un modèle économique plus durable. A nouveau, le Parti socialiste a annoncé le lancement d’un référendum.
Notre pays est à la croisée des chemins : soit, avec le Conseil fédéral et le Parlement, il prend les mesures nécessaires pour placer la Suisse en position fiscale compétitive, soit il passe à côté de cette opportunité et continuera à favoriser la création d’entreprises et d’emplois à l’étranger. Un premier signal sera délivré le 13 février prochain. Il faut voter OUI à la suppression du droit de timbre d’émission !