Monday 21 December 2020

Place financière : retour sur 2020 et bond en avant pour 2021

Alors que 2020 s’achève, beaucoup ont hâte de tourner le dos à cette « annus horibilis » marquée par les deux vagues de la pandémie de COVID-19. La Place financière s’est tenue aux côtés des acteurs économiques touchés par cette crise. Afin de continuer à jouer son rôle de moteur de la reprise, elle appelle à ce que toutes les forces convergent pour se concentrer sur l’attractivité de Genève.

Pour la Place financière, il est d’ores et déjà possible de tirer un premier bilan de cette période hors du commun. Avec ses 35'000 emplois hautement qualifiés et sa part de 13% au PIB genevois, la Place financière a plutôt bien résisté à la tourmente.

Les banques commerciales ont pleinement assumé leur rôle en participant au programme de crédits COVID mis en place par la Confédération, en étroite concertation avec l’ASB, la FINMA et la BNS.  Cette mobilisation historique a permis l’octroi de lignes de crédits pour près de 17 milliards de francs, dont les principales bénéficiaires ont été les PME, qui constituent le fondement du tissu économique helvétique. A Genève, le montant de ces prêts a atteint environ 1 milliard de franc.

Dans le domaine de la gestion privée et institutionnelle, l’Enquête conjoncturelle menée par la Fondation Genève Place Financière (FGPF) a livré des informations pertinentes. Malgré un environnement chahuté et des résultats nets en baisse, les établissements genevois ont pu compter sur de solides apports nets de fonds, tendance qui s’est confirmée lors de la publication des chiffres semestriels des banques présentes dans la Cité de Calvin.

Perspectives

L’Enquête conjoncturelle de la FGPF a démontré que la majorité des établissements s’attendent à une année 2021 globalement difficile, avec un bénéfice net stable, voire en légère baisse et des effectifs suivant la même tendance.

Cette retenue ne doit pas empêcher le secteur de se montrer innovant, en matière de technologie, de produits et de formation. Mais des mesures législatives, réglementaires et fiscales devront accompagner cette dynamique et ne pas la freiner. Un coup de projecteur sera porté sur deux aspects en particulier, qui sont susceptibles de jouer un rôle majeur pour l’attractivité de la Suisse et de Genève dans les années à venir.

Finance durable : appel au dialogue

Aujourd’hui, il est de bon ton chez certains politiciens d’accuser le secteur bancaire et financier de tous les maux en matière de réchauffement climatique. Une Conseillère aux Etats genevoise déclarait récemment à la RTS que « l’empreinte de la place financière en matière de climat est effroyable ».

Au lieu de ces propos à l’emporte-pièces, on pourrait attendre de nos parlementaires une ouverture au dialogue et une compréhension plus pointue des stratégies mises en place en matière de finance durable dans notre pays.

Il faut tout d’abord rappeler que, selon les statistiques publiées par Swiss Sustainable Finance (SSF), le montant des capitaux investis selon une approche d’investissement durable a augmenté à un rythme record en Suisse pour s’établir à plus de 1'100 milliards de francs, soit plus de 15% des actifs totaux.

Les établissements bancaires et financiers ont développé plusieurs stratégies pour répondre à la demande. Sans entrer dans le détail, on peut évoquer les approches « best in class », d’inclusion, d’exclusion ou encore thématiques, qui répondent chacune à des critères de sélection stricts élaborés par des spécialistes internes ou externes.

Il n’est aujourd’hui plus nécessaire de convaincre les investisseurs de franchir le pas et d’accélérer la transition vers une économie plus résiliente et durable. Ces acteurs, caisse de pension en tête, détiennent la clé du succès de ces stratégies. En effet, ils représentent aujourd’hui près de 80% des actifs gérés selon une approche durable.

Genève se trouve au cœur de cet écosystème en pleine construction. Le canton héberge des compétences de gestion hors du commun, des institutions onusiennes, de nombreuses ONG et fondations privées, sans oublier un secteur académique de pointe. Cette communauté unique au monde s’est réunie en 2019 lors du sommet « Building Bridges » qui a rencontré un vif succès. L’exercice sera réitéré à l’automne 2021.

Fiscalité : ne pas rompre un fragile équilibre

La pyramide fiscale genevoise se révèle extrêmement fragile. En effet, 4,1% des contribuables génèrent 47,6% de l’impôt cantonal sur le revenu, alors que 36% des contribuables ne paient pas d’impôt à ce titre. Concernant l’impôt sur la fortune, 3,1% des contribuables génèrent 81,2% de cet impôt, alors que 70,8 % des contribuables ne versent aucun montant à ce titre. Ce phénomène est notamment dû à une progressivité vertigineuse de l’impôt.

2021 sera une année charnière dans ce domaine. En effet, la crise économique due à la pandémie de COVID-19 a provoqué une avalanche de projets visant à augmenter massivement la fiscalité des personnes physiques et des personnes morales.

Si Genève venait à aggraver l’imposition des entreprises et des particuliers, il porterait un coup fatal à sa compétitivité en comparaison intercantonale et internationale. Il pousserait également nombre de contribuables, sociétés ou particuliers, à quitter le canton.

Au moment où le canton a un besoin vital de ses entreprises pour sortir du marasme économique, il serait contreproductif de rompre un équilibre fiscal déjà précaire.

Plaidoyer pour l’attractivité de Genève

Les éléments qui précèdent démontrent que la place financière a été aux côtés des entreprises durant toute la crise du COVID-19 qui aura marqué l’année 2020.

Les établissements bancaires et financiers sont également engagés avec conviction dans la transition vers une économie plus résiliente et durable. Il serait souhaitable que certains parlementaires fédéraux et cantonaux viennent constater par eux-mêmes les progrès déjà réalisés en la matière ainsi que les perspectives d’avenir, qui sont susceptibles de faire de Genève un carrefour de la finance durable au niveau mondial. Ils et elles sont les bienvenus.

Toutefois, pour que le secteur bancaire et financier puisse assumer pleinement son rôle de moteur de la reprise économique et de plaque tournante de l’innovation durable, faut-il encore que cet élan ne soit pas bridé par une fiscalité rédhibitoire qui n’aura pour résultat tangible que de faire fuir nos meilleurs contribuables !

Opinion publiée dans "Le Temps" - 21 décembre 2020

 

Yves Mirabaud Président de la Fondation Genève Place Financière