La compétitivité de la place financière genevoise repose sur l’innovation et l’ouverture vers de nouveaux pôles d’activités, tels que la finance durable.
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La thématique du développement durable gagne en importance tant au niveau national qu’international. Diverses organisations se penchent sur le sujet. Placé en 2016 sous la présidence de la Chine, le G20 a institué pour la première fois un groupe d’étude chargé d’examiner les questions liées à l’économie verte. La Suisse participe à ces travaux. Parallèlement, le Conseil de la stabilité financière et le Fonds monétaire international mènent une analyse au sujet de l’impact que les changements climatiques pourraient exercer sur la stabilité des marchés financiers.
Un tiers des investissements durables dans le monde sont générés par la place financière suisse
En Suisse, le Conseil fédéral a défini en février 2016 les principes d’une politique cohérente des marchés financiers qui prend en compte la dimension écologique du développement durable. Ces principes reposent sur la primauté de solutions relevant de l’économie de marché et sur la subsidiarité de l'action publique ainsi que sur la transparence et la prise en compte des effets à long terme des décisions actuelles. L'Etat, quant à lui, peut agir en tant qu'intermédiaire afin de soutenir les efforts de la branche visant à développer le segment des investissements durables.
La Suisse est d’ailleurs considérée comme un pays où la protection de l’environnement joue un rôle important. L'acceptation de la stratégie énergétique 2050 par près de 60% de la population lors de la votation du 21 mai 2017 est venue conforter cette image.
Plus concrètement, près de CHF 266 milliards sont gérés en Suisse selon des principes durables. Selon une étude de l’association Swiss Sustainable Finance publiée en avril 2017, la place financière suisse génère 30% des investissements durables dans le monde. Or, depuis 10 ans, ces derniers connaissent une croissance annualisée de 24%. A titre d’exemple, les fonds durables représentent 4,5% du marché des fonds en Suisse. Pionnière des fonds de micro finance, la Suisse est le leader du secteur au niveau mondial avec 38% des investissements.
Une opportunité pour la place financière genevoise…
Genève occupe une place de choix dans cette constellation. La finance durable figure au cœur des préoccupations du monde politique et des acteurs financiers. Au même titre que la FinTech, elle fait partie des nouvelles pistes à explorer.
Au niveau politique, la finance durable a été incluse dans la Stratégie économique 2030 du canton de Genève dévoilée en juin 2015. Les autorités cantonales ont fait de « la promotion de Genève comme carrefour international de la finance durable » l’une de leurs priorités.
Depuis près de 20 ans, de nombreux acteurs issus de la finance se sont tournés vers des stratégies d’investissements responsables. La majorité des établissements bancaires a signé les principes de gestion responsable des Nations Unies et a développé des fonds durables, dont des fonds thématiques ou liés à la microfinance. Les caisses de pensions fédérales, celle du canton de Zurich ainsi que celles de la poste et des CFF, de même que compenswiss (fonds de compensation AVS/AI/APG), comPlan et la SUVA ont fondé l’association suisse pour des investissements durables (ASIR) en décembre 2015.
Cet engouement s’explique par la variété des critères de mise en œuvre qui peuvent s’adapter à plusieurs stratégies d’investissement. Cela va de l’approche basée sur l’exclusion des sociétés jugées non conformes aux critères ESG à celle de type « best in class » en passant par celle encore appelée « impact investing » qui finance de manière spécifique des projets sociaux ou environnementaux.
Ces solutions attractives permettent de faire venir à Genève des compétences nouvelles et complémentaires. La finance durable constitue ainsi non seulement un relais de croissance important, mais aussi un vecteur de différenciation avec les autres Places.
La présence d’organisations internationales actives dans ce domaine constitue un atout supplémentaire et a permis à la Cité de Calvin de se positionner comme hub de la finance durable. Des synergies existent notamment avec l’UNEP FI (United Nations Environment Programme’s Finance Initiative).
…Et des défis à relever
Représentant bien plus qu’un faire-valoir éthique, le potentiel de la finance durable n’a pas encore été pleinement exploité. Les autorités ne peuvent pas ériger à elles seules la Suisse, et Genève en particulier, en tant que leader mondial. Elles ont en revanche la capacité d’envoyer des signaux en favorisant cette activité grâce à des conditions-cadres favorables. Il revient ensuite aux acteurs financiers de miser à la fois sur la distribution et la production des produits liés à l’investissement durable.
En ce qui concerne la production, les opportunités commerciales sont réelles. En 2014, les Nations Unies ont adopté 17 objectifs de développement durable qui peuvent offrir un cadre intéressant pour la création de nouveaux produits financiers. Parmi ceux-ci figurent la promotion d’une croissance économique soutenue, partagée et durable ; la construction d’infrastructures résilientes et l’encouragement à l’innovation.
Plus que jamais, le défi consiste à répondre aux exigences de la nouvelle génération d’investisseurs plus encline à souscrire des produits financiers durables que les « baby-boomers ».
La formation joue également un rôle capital dans la concrétisation d’une stratégie offensive en matière de finance durable. Il s’agit à la fois de renforcer la formation continue des conseillers à la clientèle, mais surtout d’offrir des cours adaptés au sein des instituts de formation et des universités. Sur ce point, l’Université de Genève a d’ores et déjà mis en place un cours en finance durable depuis 2011. En octobre 2014, le Geneva Finance Research Institute a nommé un professeur assistant en finance responsable, ce qui représente une première en Suisse.
Loin d’être marginale, la finance durable participe à la diversité de la place financière genevoise aux côtés de la gestion de fortune privée et institutionnelle, de la banque commerciale et de détail, et du financement du négoce en matières premières. Les critères sociaux et de gouvernance contribuent à définir des stratégies d’investissement au bénéfice non seulement de la clientèle mais aussi de l’ensemble de la société. La Place genevoise peut en retirer de nombreux avantages tout en élargissant ses pôles d’excellence.
Opinion publiée dans "Le Temps" - 24 juillet 2017