L’accès au marché, l’égalité de traitement et la confidentialité sont trois principes de l’échange automatique.
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Le passé
En mai 2014, la Suisse a déclaré qu’elle entendait appliquer le standard élaboré par l’OCDE en matière d’échange automatique de renseignements fiscaux (EAR).
Depuis cette date, notre pays a tout mis en œuvre pour concrétiser cette volonté. Il a d’abord fallu adhérer aux différentes Conventions internationales établissant le cadre de cette collaboration puis adopter une Loi fédérale ad hoc.
Le travail législatif s’est poursuivi par le biais de la ratification d’un traité avec l’Union européenne, entré en vigueur début 2017. En parallèle, la Confédération a mené des négociations bilatérales avec plusieurs Etats dans le but d’introduire l’EAR avec eux.
A l’issue de ces différentes démarches diplomatiques, la Suisse s’est engagée à pratiquer l’EAR avec 38 Etats et territoires à compter de 2018.
Ce bref historique démontre que l’on ne saurait reprocher à notre pays de trainer les pieds dans l’application du nouveau standard. Notre processus démocratique, qui fait notre fierté, a certes pour conséquence de nous faire avancer à un rythme parfois plus lent que d’autres Etats aux procédures législatives expéditives, mais il ne saurait être question de renier notre ADN pour autant.
Les perspectives
Le Département fédéral des finances a lancé deux nouvelles salves de consultations, le 1er décembre 2016 et le 2 février 2017, portant sur l’introduction de l’EAR avec 21, respectivement 20 nouveaux Etats et territoires.
Parmi les pays concernés, on trouve en particulier l’Afrique du Sud, l’Argentine, le Mexique, la Colombie, l’Inde, la Chine et la Russie.
Après avoir effectué la synthèse des opinions exprimées par les milieux intéressés, le Conseil fédéral adressera un Message au Parlement, qui sera amené à se prononcer, en principe lors des sessions d’automne ou d’hiver 2017, par le biais d’un Arrêté fédéral pour chacun des Etats en question. On parle d’une entrée en vigueur en 2018 en vue d’un échange effectif en 2019.
Sur le principe, la Place financière a exprimé un avis favorable au sujet de l’élargissement du champ de l’EAR, qui concernera, au-delà de l’UE, en particulier les pays membres de l’OCDE et du G20.
Toutefois, cette approbation ne doit pas être perçue comme un blanc-seing généralisé à destination du Gouvernement et du Parlement fédéral.
Les précautions
L’accès au marché
Dans l’examen des projets en question il conviendra de garder à l’esprit la nécessité d’améliorer l’accès au marché dans les Etats auxquels la Suisse accordera l’EAR. Il est en effet vital pour les intermédiaires financiers helvétiques de pouvoir offrir leurs prestations de services au domicile de leurs clients. A défaut, les risques de délocalisation de postes de travail ne sauraient être sous-estimés.
Pour l’heure, les déclarations communes signées avec plusieurs pays dans le cadre de négociations bilatérales contiennent une clause libellée de manière très vague. On évoque « l’intérêt d’aspirer à des allègements et à des améliorations des conditions cadre régissant les activités transfrontalières ». Il est grand temps de concrétiser ces bonnes intentions pour lever les obstacles aux activités transfrontalières.
L’égalité de traitement
Dans certaines instances internationales, il est de bon ton d’affirmer que la Suisse prend du retard dans la mise en place de l’EAR. Rappelons cependant ici que notre pays, une fois qu’il a adopté une loi ou ratifié un traité, respecte à la lettre les dispositions applicables.
On peut légitimement attendre du Gouvernement helvétique qu’il vérifie de manière rigoureuse, avant de transmettre une quelconque information à un Etat étranger à l’horizon 2019, que la Suisse ne fasse pas cavalier seul. Cela signifie en clair que les principales Places internationales concurrentes devront aussi adresser au pays en question les données requises. En l’absence d’une telle garantie, il tombe sous le sens que les clients choisiront les cieux les plus cléments.
Il faut donc que le Parlement inclue dans les Arrêtés fédéraux une clause d’activation prévoyant expressément le respect du principe évoqué ci-dessus.
Une parenthèse mérite d’être ouverte. En termes d’égalité de traitement, on relèvera que les Etats-Unis ont choisi de ne pas appliquer le standard de l’OCDE mais leur propre système, le désormais célèbre FATCA, qui prévoit une réciprocité limitée. Les intermédiaires financiers américains bénéficient dès lors d’un avantage compétitif non négligeable.
La confidentialité
Les mêmes précautions doivent être prises en lien avec le respect du principe de la confidentialité.
En 2019, il incombera au Conseil fédéral de s’assurer, préalablement à l’envoi d’informations, que l’Etat récipiendaire ne s’est pas livré à une utilisation abusive des renseignements obtenus d’autres pays. La constatation d’une violation des règles de confidentialité devra conduire le Gouvernement helvétique à ne pas entamer le processus d’échanges de données.
Les Arrêtés ratifiés par les Chambres fédérales devront ainsi contenir une disposition spécifique prévoyant une activation de l’EAR sous réserve de ces vérifications.
Les risques inhérents à une entorse au principe de la confidentialité portant sur des informations aussi sensibles ne relèvent pas de la théorie. Dans certains pays, l’aspect fiscal est secondaire. Il en va surtout de l’intégrité physique, voire même de la vie, des clients fortunés.
En conclusion, la Suisse s’inscrit pleinement dans le concert des nations qui ont adopté le standard de l’OCDE en matière d’EAR. Dans la mise en œuvre de ces principes, on ne saurait lui reprocher de suivre le tempo imposé par son légitime processus démocratique. Il serait tout aussi erroné pour notre pays de jouer sa partition en solo, sans se préoccuper de la pratique adoptée par ses principaux concurrents. Il en va de la compétitivité de notre Place financière en comparaison internationale et du maintien d’emplois sur notre sol.
Opinion publiée dans "Le Temps" - 13 mars 2017