Monday 08 June 2015

L’innovation au service de la place financière

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Depuis la crise financière de 2008, les banques ont dû naviguer contre le gros temps réglementaire et ses vagues de nouvelles exigences. Cette évolution réglementaire en a occulté une autre : celle de la technologie. Or, à l’heure où la concurrence est plus acharnée que jamais, le futur de la place financière suisse et genevoise en particulier dépend plus que jamais de sa capacité d’innovation, notamment en matière de technologie. La Fondation Genève Place Financière souhaite y contribuer.

Le Global Information Technology Report 2015 du World Economic Forum place la Suisse parmi les dix Etats les mieux à même de faire face aux changements technologiques grâce entre autre à des investissements substantiels dans le digital. Des pays industrialisés la Suisse possède en effet le plus fort pourcentage de personnes actives dans la recherche et le développement.
Capgemini, dans une étude parue le 22 avril 2015, souligne pour sa part l’importance de la technologie dans les relations futures des établissements bancaires avec leurs clients. Les clients des banques de détail, en particulier, sont de plus en plus exigeants envers leurs prestataires poussant ainsi ces derniers à innover. La pression de nouveaux acteurs qui proposent des prêts de particulier à particulier, des financements participatifs ou encore des paiements via leur téléphone portable sans intervention d’une banque y contribue aussi. Parmi ces nouveaux acteurs, on trouve des fournisseurs internet ou encore des opérateurs de téléphonie mobile.

La gestion de fortunes n’échappe pas à ce phénomène : la clientèle devient de plus en plus connectée. Depuis peu, des plateformes permettent aux clients, même avec des montants modestes, d’accéder à une allocation d’actifs diversifiée conforme à leur profil de risque et, ce, à des coûts très bas. Certains observateurs se posent même la question d’une gestion de fortunes entièrement robotisée !

Genève est connue comme un centre mondial pour le négoce et le financement du négoce en matières premières. Quelque 400 sociétés y négocient une part considérable des échanges mondiaux de pétrole, de sucre, de café, de céréales, de riz et de graines oléagineuses. Ceci exige une gestion extrêmement rigoureuse des risques et un suivi impeccable des clients. La vague réglementaire ajoute encore une couche d’exigences et de manière croissante. Là aussi la technologie devient indispensable.

Ces nouvelles exigences, ces nouvelles prestations passent par l’assemblage de la finance et de la technologie résumé par un mot : la FinTech.
L’industrie bancaire est donc appelée à se réinventer. Sous la pression de la génération « Y » les banques offrent déjà quelques réponses : laboratoires de recherche, plateformes digitales, interfaces numériques ou exploitation efficace du « Big Data » en sont autant d’exemples. Cette révolution doit s’accompagner d’une formation adéquate ; formation interne d’une part ; formation externe aussi pour laquelle, plus que jamais, un rapprochement du monde de la finance et du monde académique paraît essentiel.

Entre places financières, la concurrence pour valoriser l’éclosion de cette nouvelle technologie va s’accroître, car cette dernière sera sans nul doute vitale pour l’avenir. A ce jeu-là, la FinTech peut se développer en Suisse sur un terreau fertile : notre pays figure depuis des années au palmarès des nations les plus innovantes. Le premier incubateur FinTech verra le jour tout prochainement à Genève. La Fondation Genève Place Financière a l’ambition de contribuer à faire de Genève un centre d’excellence technologique pour la finance. Elle travaillera notamment à la mise en place d’un cadre juridique approprié.

Ce cadre passe par une réflexion sur les questions cruciales de la sécurité. Notre place a ici une occasion de se distinguer : à la fois transparente mais aussi soucieuse du respect de la sphère privée, disposant d’un savoir-faire ancré dans une tradition bien établie mais innovante et technologiquement à la pointe. La sécurité peut nous donner un avantage concurrentiel déterminant. L’Etat, ne serait-ce que par la confection d’un cadre normatif adéquat et une organisation en mesure de lutter contre la cybercriminalité, doit y contribuer.

Préparer la banque de demain exige du temps, de la volonté et de l’énergie. A Genève, le « cluster » économique ne se limite pas aux banques elles-mêmes, mais intègre aussi des secteurs tels que les fournisseurs d’infrastructures pour le marché financier, les développeurs de logiciels et les autres prestataires de produits et de services. Si nous comprenons la richesse de ce tissu, si nous savons nous mettre ensemble, si nos autorités comprennent et favorisent le potentiel immense que tout cela recèle, les changements qui se dessinent offrent l’opportunité de naviguer sur des eaux plus calmes, et de profiter de vents favorables.  

Opinion publiée dans "Le Temps" - 8 juin 2015

Nicolas Pictet President GFC