Lundi 11 Mars 2024

Formation en Compliance : l’Université de Genève a fait œuvre de pionnière !

L’attractivité et la capacité d’innovation de la place financière genevoise dépend grandement de son niveau de connaissance et d’expertise. En réponse à une constante évolution de la réglementation bancaire, Genève se positionne en fer de lance dans la formation en Compliance grâce à l’engagement commun des secteurs financier et académique.   

Le Centre de droit bancaire et financier de l’Université de Genève (CDBF) vient de remettre un diplôme à la 21ème volée d’étudiantes et d’étudiants du Certificate of advanced studies (CAS) en Compliance. C’est l’occasion de faire un arrêt sur image sur cette formation et, plus généralement, sur le domaine de la conformité.

Le succès d’un partenariat public-privé

La promulgation en 1997 et l’entrée en vigueur l’année suivante de la Loi fédérale contre le blanchiment d’argent (LBA) a constitué un élément déclencheur. En effet, la LBA impose pour toute ouverture de compte ou mandat de gestion d’identifier non seulement le client mais aussi l’ayant-droit économique. Afin de relever les défis de cette nouvelle législation, la place financière genevoise a approché le Centre de droit bancaire et financier pour qu’il élabore une formation au plus proche de la pratique. En réponse à ce besoin, l’Université de Genève a mis en place un CAS Compliance en 2003. Cette formation a connu très vite un large succès.

L’augmentation exponentielle des contraintes réglementaires depuis 20 ans a naturellement entraîné une hausse spectaculaire des recrutements dans le domaine de la Compliance. Selon l’Enquête conjoncturelle 2023-2024 menée par la Fondation Genève Place Financière, les effectifs en Compliance figurent parmi ceux qui ont bénéficié de la plus grande augmentation, pour l’ensemble du secteur bancaire.

Aujourd’hui, une certification en cours d’emploi constitue un élément indispensable dans l’industrie. Et à cet égard, le CAS Compliance est devenu LE standard suisse, dispensé non seulement à Genève, mais également en partenariat à Zurich via l’Université de Saint-Gall et à Lugano via le Centre d’Etudes de la Villa Negroni. L’Université de Genève peut être fière qu’une « Genferei » s’exporte aujourd’hui avec succès au-delà du « Röstigraben » !

La réforme de l’arsenal anti-blanchiment : un processus permanent

Ce cursus précurseur a su s’adapter aux évolutions réglementaires. Si, à ses débuts, le CAS Compliance se concentrait sur la thématique du blanchiment d’argent, il a progressivement intégré les nombreux développements réglementaires, à savoir l’entraide fiscale ou encore la lutte contre le financement du terrorisme ainsi que les sanctions internationales. Cette formation a donc également pour ambition de relever les défis futurs auxquels les acteurs financiers genevois feront face.

Le premier d’entre eux réside assurément dans la nouvelle réforme de l’arsenal anti-blanchiment. Afin de tenir compte des évolutions internationales et des dernières évaluations du dispositif helvétique réalisées par le GAFI, la législation suisse relative au blanchiment d’argent fait l’objet de révisions régulières. En août 2023, le Conseil fédéral a lancé une procédure de consultation relatif à un Projet de Loi fédérale sur la transparence des personnes morales et l’identification des ayants droits économiques, plus communément appelée la LTPM. Ce texte prévoit notamment l’instauration d’un Registre central des ayants droits économiques des personnes morales, en application de la Recommandation 24 du GAFI, étant précisé que ce registre sera accessible aux autorités compétentes, mais pas au grand public.

Du point de vue de la Place financière, le projet soumis à consultation est perfectible à plus d’un titre. En effet, un accès libre au Registre serait inopportun et surtout source de complications et d’insécurité juridique. Si la banque a une responsabilité d’identification et de diligence vis-à-vis de son client, elle n’a pas à s’immiscer dans la relation entre ledit client et le Registre central. Pour le surplus et en termes de protection de données, il serait très difficile d’assurer une réelle confidentialité si l’accès direct au Registre était aussi large que prévu actuellement dans le projet de loi.

La durabilité s’invite dans le débat

A l’ère de la durabilité, la conformité bancaire prend également une importance sans précédent. En Suisse, le Conseil fédéral a publié le 16 décembre 2022 une prise de position en matière de prévention de l’écoblanchiment du secteur financier. Il constate qu’aucune réglementation spécifique en la matière n’existe dans notre pays – si ce n’est une Communication de la FINMA en 2021 – et prévoit par conséquent d’édicter une ordonnance qui pourrait être complétée ou substituée par une autorégulation de valeur équivalente des branches concernées. Le SIF, qui est chargé de mettre œuvre l’ordonnance précitée, a constitué un groupe de travail avec les organisations faîtières du secteur financier et devrait mettre en consultation un projet au mois d’août de cette année.

En parallèle, la FINMA vient de lancer une audition sur une nouvelle Circulaire intitulée « Risques financiers liés à la nature ». Cette dernière voudrait préciser comment les risques physiques et de transition liés à la nature doivent être pris en compte dans la gouvernance d’entreprise et la gestion des risques. On peut légitimement s’interroger sur la base légale qui sous-tend ce texte aux contours relativement flous.

Les exemples précités, de même que les nombreuses initiatives sur le plan international, permettent d’illustrer le foisonnement légal et réglementaire dans le domaine de la durabilité. Tous ces textes ne manqueront pas d’entrainer des conséquences en matière de compliance, telles que l’examen des supports marketing et des déclarations en matière de durabilité, ou encore la vérification de la qualité des produits offerts qui présentent des caractéristiques ESG.

Il ne fait donc aucun doute que le CAS Compliance répondra présent pour accompagner les praticiennes et les praticiens face à ces évolutions réglementaires. Dans cet exercice, il ne faudra jamais perdre de vue la nécessité de garder une approche pragmatique et, surtout, conforme au principe de la proportionnalité.

Opinion publiée dans "Le Temps" - 11 mars 2024

Denis Pittet Président de la Fondation Genève Place Financière