Lundi 04 Juillet 2016

Les « Fintechs » ne remplacent pas les relations personnalisées

La Fintech est sur toutes les lèvres et la place financière genevoise possède les atouts nécessaires pour se hisser aux premiers rangs de cette révolution.

La transformation digitale de la finance est une réalité. Et les banques sont non seulement en mesure d’accompagner le passage au numérique, mais aussi de prendre elles-mêmes part à l’élaboration du futur digital. Les premières initiatives, telles que la banque en ligne, datent du début des années 2000. Aujourd’hui, les prestations bancaires vont au-delà de l’e-banking et du mobile banking puisque toutes les opérations de paiement peuvent se faire via son smartphone. Demain, la gestion des données, qui va du processus de stockage à la transmission de l’information via un univers sécurisé, deviendra un critère de différentiation majeur. Face à ces enjeux, comment se positionne la place financière genevoise et quels sont ses atouts ?

Plusieurs études montrent que la place financière n’a pas attendu l’invention du terme Fintech pour se montrer innovante dans de nombreux domaines. Le World Economic Forum (WEF) et l’IMD classent la Suisse aux premiers rangs des pays les plus compétitifs au monde. Le Global Information Technology Report 2015 du WEF place notre pays parmi les dix Etats les mieux à même de faire face aux changements technologiques grâce entre autres à des investissements substantiels dans le digital. La récente étude réalisée par Ernst & Young va plus loin en montrant que les banques ont intégré la révolution numérique dans leurs priorités. Enfin, la Haute Ecole de Lucerne a dénombré 162 sociétés actives dans les Fintech en Suisse à fin 2015 contre 24 en 2010. La Suisse romande est très présente avec 32 entreprises, soit une part de marché de 20%. A elle seule, Genève en compte 13. Le premier incubateur Fintech a vu le jour à Genève. Cet écosystème complet place Genève à la pointe de l’innovation en matière bancaire et financière.

Genève est à la pointe de la gestion des données

L’avènement de ces nouvelles technologies apporte son lot de changements. Toutefois, contrairement aux taxis Uber et à l’hôtellerie AirBnB, la place fiancière est composé d’une myriade de métiers. La définition des Fintechs ne se résume donc pas à une « uberisation » du secteur bancaire. L’objectif n’est pas de créer des banques Fintech, mais d’introduire les Fintechs dans les banques.

Genève se distingue en particulier par ses infrastructures et son expérience dans la gestion des données. A l’ère du « Big data », la Suisse demeure un lieu de référence pour la gestion et la protection de l’information. Avec des conditions-cadres et un environnement juridique favorable, notre pays excelle avant tout par sa capacité à répondre aux impératifs de protection indispensables pour de nombreuses sociétés actives dans les fintechs. Par ailleurs, les pressions croissantes sur le cryptage de l’information ne font que renforcer le potentiel de la Suisse dans ce domaine.

L’aspect émotionnel est au cœur de la relation avec le client

Les mutations structurelles générées par la révolution digitale ont un impact sur les métiers de la banque. Le passage au numérique fait évoluer les produits et les services ainsi que la manière dont la banque et la clientèle communiquent.

De nouvelles offres apparaissent, en particulier dans le domaine de la gestion de fortune. Elles portent sur la gestion des risques et permettent de générer des propositions destinées à optimiser les placements.

Un constat s’impose : les canaux numériques sont de plus en plus utilisés. Mais s’il n’est plus nécessaire de se rendre dans une agence pour ouvrir un compte et si un outil informatique peut surveiller un portefeuille, la relation personnelle reste indispensable. Une finance entièrement robotisée ne tient pas compte des spécificités du client. Ce dernier souhaite pouvoir choisir le mode d’interaction qui lui convient. Ainsi, les analystes auront toujours une plus-value essentielle à apporter, car ils participent à une sélection plus fine des titres et des produits. De plus, la relation avec le client possède un aspect émotionnel fondamental que seul l’humain peut appréhender. La numérisation constitue une aide qui permet ainsi au conseiller de se consacrer au cœur de son métier.


La réglementation doit encourager l’innovation

Dans le domaine réglementaire, le Royaume-Uni a opté pour une approche proactive. L’autorité de surveillance anglaise (« Financial Conduct Authority ») joue un rôle de promotion économique et offre un programme de soutien des Fintechs dans le cadre d’un « innovation hub ».

En Suisse, le Conseil fédéral vient d’adopter sa « Stratégie Suisse numérique », prônant une collaboration étroite entre tous les secteurs économiques. De son côté, la FINMA a décidé d’autoriser l’identification des clients bancaires en ligne, une évolution importante pour une place financière internationale telle que Genève. Ceci bénéficiera aussi bien aux établissements actifs dans la banque de détail qu’à ceux spécialisés dans le « wealth management ».

Il s’agit de premiers pas encourageants. Mais nous pouvons légitimement attendre de nos autorités politiques et administratives qu’elles donnent une impulsion réglementaire déterminée afin que le cadre légal helvétique accompagne le développement des Fintechs et ne représente pas un frein à l’innovation.

Opinion publiée dans "Le Temps" - 4 juillet 2016

Yves Mirabaud Président de la FGPF